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Journée commémorative de l’abolition de l’esclavage

Date parution : 03/05/2006

Journée commémorative de l’abolition de l’esclavage

 

Communiqué : "Rassemblement des Francs-Maçons au Panthéon"

Intervention du Grand Maître, Président du Conseil de l’Ordre, Jean-Michel QUILLARDET, au Panthéon, le mercredi 10 mai 2006

Intervention du Frère Jean-Claude ASSELIN de BEAUVILLE, Conseiller de l’Ordre du G.O.D.F., Région Antilles-Guyane au Panthéon, le mercredi 10 mai 2006


Paris, le 03 mai 2006

Rassemblement des Francs-Maçons au Panthéon
(Mercredi 10 mai 2006 16h30)

La France a choisi le 10 mai comme journée de commémoration annuelle de l’abolition de l’esclavage. A cette occasion, le Grand Orient de France honorera le Franc-Maçon Victor Schoelcher qui fit adopter, le 27 avril 1848, le décret d’abolition de l’esclavage sur toutes les terres françaises, rendant la liberté à 260 000 esclaves.

Le Grand Orient de France organise le mercredi 10 mai 2006 à 16h30 un grand rassemblement à l'entrée du panthéon, en présence du Grand Maître et Président du Conseil de l’Ordre, Jean-Michel QUILLARDET, qui fera une déclaration.

Les Francs-maçons sont appelés à se rassembler avec leurs décors maçonniques.

 

Organisation :
Bernard REYGROBELLET
Assistant du Grand Maître
Chargé des Relations avec les Pouvoirs Publics
Portable : 06-07-27-32-44

 

GRAND ORIENT DE FRANCE
16, rue Cadet 75009 Paris
relation.presse@godf.org
01 45 23 74 31



Intervention du Grand Maître, Président du Conseil de l’Ordre,
Jean-Michel QUILLARDET,
au Panthéon, le mercredi 10 mai 2006

Aimé Césaire, par ces quelques vers, a exprimé la nuit obscure de ses ancêtres et la trace toujours infligée à ses fils :

« J’habite une blessure sacrée
j’habite des ancêtres imaginaires
j’habite un vouloir obscur
j’habite un long silence
j’habite une soif irrémédiable
j’habite un voyage de mille ans
j’habite une guerre de trois cents ans
j’habite un culte désaffecté
entre bulbe et caïeu
j’habite l’espace inexploité […]
ayant craché volcan
mes entrailles d’eau vive
je reste avec mes pains de mots
et mes minerais secrets »

Francs-Maçons du Grand Orient de France, Francs-Maçons et Francs-Maçonnes des Obédiences amies,

Nous sommes réunis ce jour, après avoir déposé une gerbe sur la tombe de notre Frère Victor Schoelcher, Sénateur, Franc-Maçon du Grand Orient de France initié à la Respectable Loge « Les Amis de la Vérité » à l’âge de 22 ans, pour dire que nous autres, combattants de la liberté, révolutionnaires de l’esprit, sentinelles de la conscience républicaine, que la traite des Noirs et l’esclavage font partie, à part entière, des crimes commis contre l’humanité et qui doivent être non seulement jugés comme tels, mais célébrés comme tels.

Il ne s’agira jamais, pour nous, d’opposer victimes contres victimes, génocides contre génocides, mémoires contre mémoires mais, avec force et vigueur, de proférer à l’égard de tout ce qui a porté atteinte à l’homme dans son humanité profonde, de tout ce qui a conduit des hommes à être humiliés, martyrisés, torturés, de tout système organisé de manière concentrationnaire, totalitaire, marchand pour emprisonner les êtres humains, un cri, celui de l’inacceptable, celui de l’intolérable.

Il ne s’agit pas ici d’un regard compassionnel sur le passé mais du souvenir qui nous porte vers l’avenir pour répéter, une fois encore : « plus jamais ça ».

Il ne s’agit pas ici de saluer une communauté plutôt qu’une autre, mais de réunir par le souvenir de l’horreur et de la révolte la communauté des hommes et de l’humanité toute entière.

Il ne s’agit pas ici d’une mémoire périodique et de circonstance, mais bien d’un appel tourné vers l’avenir pour une société plus juste, plus fraternelle, plus humaine.

Mais cet appel-là, dans notre société où sévissent la déshérence sociale, la déstructuration citoyenne et sur ce terreau-là, la renaissance certaine de vieux fonds de racisme et de xénophobie, doit être encore plus puissant.

Car cette idée de « la traite des Nègres » subsiste aujourd’hui dans le regard de certains de nos compatriotes, dans ce racisme quotidien que subissent nos citoyens : il y a alors le ressenti de tout ce qui a pu, à un moment donné, expliquer cette abominable traite, à savoir d’être considéré comme un être à part, comme un sous-homme, comme un sous-produit de l’humanité.

Oui, ne nous leurrons pas, ce sentiment qu’il puisse exister des catégories d’humanité dans notre société aujourd’hui en France, comme dans le monde, est encore suffisamment tenace pour que, par la mémoire, nous soyons toujours vigilants à faire respecter les valeurs qui sont les nôtres, si bien représentées par Victor Schoelcher, les valeurs de l’humanisme profond.

Chaque Franc-Maçon, chaque républicain se trouve atteint dès lors qu’un noir est regardé comme un noir, un juif comme un juif. Chaque homme se trouve blessé, en lui-même, quand un crime est commis contre l’Homme en tant qu’Homme. N’oublions pas le Code Noir où le nègre était juridiquement considéré, au sens du Code Civil, comme un meuble meublant.

Si Victor Schoelcher est une figure emblématique du rôle que les Francs-Maçons du Grand Orient de France ont joué au cours de l’histoire, il a, en 1848, concrétisé sur le plan politique et parlementaire tout un mouvement tendant à la libération des hommes de leurs chaînes.

Il faut ici rappeler que dès la pensée des Lumières, dont nous sommes issus, l’esclavage était condamné.

Montesquieu déclare ainsi : « L’esclavage est aussi opposé au droit civil qu’au droit naturel… »

Rousseau balaye d’un revers de la main toutes les justifications couramment données au maintien de cette pratique : « Ces mots, esclavage et droit sont contradictoires, ils s’excluent mutuellement… »

Condorcet écrit dans ses réflexions sur l’esclavage des nègres qu’il signe d’un pseudonyme, Monsieur Schwartz, ces mots : « Réduire un homme à l’esclavage, l’acheter, le vendre, le retenir dans la servitude, sont de véritables crimes et des crimes pires que le vol… »

Au moment même de la Révolution, Olympe de Gouges se propose de poursuivre un double combat pour l’abolition de l’esclavage, pour l’égalité des droits de la femme en écrivant une pièce de théâtre « l’esclavage des nègres » et en lançant la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.

Mais il faut ici exprimer que ce sont les noirs eux-mêmes qui ont pris en main et en charge leur destin. C’est d’abord la révolte des noirs qui a permis, non seulement cette prise de conscience, mais la libération même de l’étau et du martyr.

Citons le plus célèbre d’entre eux, Toussaint Louverture sans lequel rien n’aurait été, non plus, possible.

Il ne faut pas occulter le fait que l’abolition de l’esclavage en 1848 n’a pas empêché cette colonisation de tous ces pays à qui l’on enseignait « nos ancêtres les Gaulois », colonisation qui, sur le plan économique, a entraîné nombre de contrées en déshérence économique, dévastées.

Oui, c’est bien ce que l’on appelle désormais, titre éponyme d’un film « le cauchemar de Darwin ». Vous savez ce livre où un lac où la nature s’est desséchée, avec ces poissons soumis aux conserveries internationales dont il ne reste plus que des cadavres dont se nourrissent les populations locales et ces enfants qui pour survivre se prostituent.

Il nous faut nous souvenir du cauchemar pour reprendre foi dans l’humanité et dans l’homme et dans l’espérance afin de dire encore que toute bête immonde est toujours prête à renaître et que c’est le seul rassemblement des hommes de bien, de ceux qui essayent de trouver dans l’homme ce qu’il a de meilleur qui, réunies mémoire et vigilance, permettront alors à l’humanité de triompher.

Selon le Bureau International du Travail, près de 13 millions d’hommes, femmes et enfants sont victimes du travail forcé dans le monde, esclaves domestiques, serfs opprimés sur un lopin de terre, petite main soumise dans un atelier.

Ce chiffre comprend, ne les oublions pas non plus, les 2,4 millions de victimes de la traite des êtres humains dont les prostituées et clandestins pris dans les filets de mafias internationales.

Le rapport du Bureau International du Travail précise l’estimation des profits réalisés grâce à l’esclavage moderne, soit 32 milliards de dollars par an, soit 13 000 dollars par victime.

En France, depuis 1994, s’est constitué un comité contre l’esclavage moderne et ses interventions sont de plus en plus fréquentes car il existe également dans notre pays des hommes, des femmes, souvent des enfants qui se voient exploités avec confiscation du passeport ou des papiers d’identité, séquestration totale ou partielle, conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité humaine, rupture des liens familiaux.

Alors oui, écoutons encore l’appel, le cri, les vers de Léopold Sédar Senghor devant l’Ile de Gorée : « Notre négritude n’est pas le sang versé et les blessures infligées à notre chair, la négritude est civilisation, qui a pu triompher de l’indéfinissable et dire la plénitude du droit d’être homme, porteur de l’humaine condition ».

Le regard de ces enfants esclaves, encore aujourd’hui, le regard de ces victimes apeurées d’un siècle déshumanisé, le regard de l’esclave vendu comme marchandise, par delà le temps et l’espace, est désormais et pour toujours notre regard.


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Intervention du Frère Jean-Claude ASSELIN de BEAUVILLE,
Conseiller de l’Ordre du G.O.D.F., Région Antilles-Guyane
au Panthéon, le mercredi 10 mai 2006

Grand Maître Jean-Michel Quillardet, mes Très Chers Frères Conseillers de l’Ordre, mes Sœurs, mes Frères, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers Amis,

J’ai aujourd’hui l’honneur de vous dire quelques mots sur la contribution de notre Ordre à l’abolition de l’esclavage.

Comme toutes les institutions humaines, la Franc-Maçonnerie a évolué au fil des siècles. Mais il est des idées qui ont traversé son histoire. Dès l’apparition des premières Loges, on y découvre une aspiration à la Fraternité entre les hommes, au-delà des barrières conventionnelles.

Ainsi, lorsqu’en 1736 Ramsay trace, dans son célèbre discours, le programme intellectuel que se fixe alors la Maçonnerie française, il n’hésite pas à affirmer :

« Les hommes ne sont pas distingués essentiellement par la différence des langues qu’ils parlent, des habits qu’ils portent, des pays qu’ils occupent, ni des dignités dont ils sont revêtus. Le monde entier n’est qu’une grande République … C’est pour faire revivre et répandre ces essentielles maximes prises dans la nature de l’homme que notre société fut d’abord établie ».

Le regard maçonnique sur l’homme qui souffre s’appelle alors « bienfaisance » et « philanthropie », mais derrière les mots qui changent, il y a déjà cette exigence d’une humanité plus éclairée et plus solidaire.

Pour ces « hommes libres et de bonnes mœurs » du XVIIIème siècle, dont le cœur s’ouvrait à l’universalisme de la condition humaine, l’esclavage, alors pratique commune, était déjà un scandale.

Dans les grandes, moyennes et petites villes du Royaume, les Loges sont souvent le relais du « parti philosophique » ! Comme on appelait en ce temps les disciples de Voltaire et Rousseau.

A Paris, dans les années qui précèdent la Révolution, la célèbre Loge du Grand Orient de France « Les Neuf Sœurs » fournira de nombreux soutiens au beau projet de la « Société des Amis des Noirs », en 1794.

Appuyé sur l’opinion « philosophique », relayé par les Loges, ce véritable lobby anti-esclavagiste obtint la première abolition.

Dès les premières années du XIXème siècle, les Loges devinrent de véritables conservatoires des « idées de 1789 ».

Très tôt dans le siècle, la Maçonnerie s’éleva à nouveau contre la ségrégation raciale.

On peut rappeler ici le combat du Grand Orient de France pour l’intégration des communautés juives.

Dès les années 1820, des Loges remirent sur le tapis la question de l’esclavage, non seulement à Paris, mais aux Antilles même, avec l’action courageuse, et il faut bien le dire, mais un peu isolée, de la Loge « La Trigonométrie » à Fort-Royal.

En 1835, la Loge « Les Émules d’Hiram » de Pointe-à-Pitre prendra le relais.

Venons-en maintenant au héros du jour, à celui qui « a élevé la vertu jusqu’à la gloire » pour reprendre la belle expression de Victor Hugo, venons, je vous le disais, à Victor Schoelcher.

Notre Frère Victor Schoelcher a à peine 18 ans quand il est initié en 1822, dans la Loge parisienne « Les Amis de la Vérité ». Il aura une activité maçonnique discontinue, notamment en raison de ses voyages, mais gardera toujours des liens forts avec l’Ordre au travers de ses amis, et notamment du plus intime d’entre eux, le Frère Ernest Legomenon.

En 1844, Schoelcher rejoint au sein de la Loge « La Clémente Amitié » un groupe de jeunes républicains un peu frondeurs. C’est probablement son ami Panaire, le futur Secrétaire Général du gouvernement provisoire de la IIème République qui l’a conduit dans cet Atelier. Quand la Révolution de 1848 amène la proclamation de la IIème République, les Maçons jouent un rôle moteur dans l’installation du nouveau régime démocratique et social. Schoelcher en a croisé bien des figures dans les Loges !

Connu comme apôtre de l’abolition, son ami et Frère François Arago l’appelle comme sous-secrétaire d’État auprès du Ministre de la Marine, pour en finir avec la barbarie de l’esclavage. C’est le fameux décret du 4 mars 1848 rédigé par Schoelcher lui-même. Le principe étant adopté … restait à faire appliquer la loi. Schoelcher s’emploie à réunir les conditions qui feront passer, en quelques mois, les esclaves de la veille au statut de citoyen à part entière.

Si la grande figure de Schoelcher domine cette avancée de l’humanité vers une Lumière plus pure, permettez-moi d’y associer aussi un autre acteur de l’aventure : notre Frère Sarda-Garriga, Commissaire Général de la République à La Réunion qui aura la difficile mission d’y organiser, au milieu de difficultés sans nombre, l’émancipation de plus de 60 000 esclaves.

Pour conduire à bien ce beau et noble chantier de l’abolition de l’esclavage, ces Maçons se battirent aussi contre les conformismes de leur temps. Pour cela, ils ont mis en œuvre une démarche unissant idéal, engagement et réflexion pragmatique. Puisse cet esprit nous inspirer encore aujourd’hui.

Et s’il a fallu tant de temps, tant de volonté, tant d’effort pour parvenir de la traite à l’abolition, je serais tenté de dire, Mesdames et Messieurs, mes Sœurs, mes Frères et ensuite… ?

Pour nous Maçons, le combat n’est jamais terminé, car d’autres formes d’esclavage existent encore dans notre monde.

Et si il y a bien quelqu’un pour qui Victor Schoelcher est celui qui a réalisé l’émancipation… c’est Aimé Césaire…

Aimé Césaire, Chantre de la négritude, sait bien que la libération ne vaut que si elle est totale, que la liberté ne vaut que si tous en bénéficient.

Lui le Martiniquais à la peau sombre, recherche toujours l’universel. Dès les années 1930, dans son cri volcanique au nom de Cahier d’un retour au pays natal, il a pleine conscience de la tâche à accomplir :

« Ma bouche, écrit-il, sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir ».

Et de s’incarner dans d’autres peaux dans une litanie qui reste si actuelle : « Je serais un homme-juif, un homme-cafre, un homme-hindou-de-Calcutta, un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pas ».

Nous Maçons, nous ne pouvons que répondre en écho :

« Liberté, Égalité, Fraternité ». Notre devise n’est pas totalement accomplie. Schoelcher a montré une voie. Le chemin de l’humanité reste parsemé de pierres brutes.

Et pour terminer, je citerai un extrait d’un discours d’Aimé Césaire prononcé le 21 juillet 1945, à l’occasion de la fête traditionnelle dite de Victor Schoelcher, en Martinique … je cite : « S’il me fallait, à l’aide de mots, rebâtir devant vous l’homme admirable qu’a été Victor Schoelcher, j’irais chercher parmi les mots les plus solennels du dictionnaire et pour définir le style de vie du bienfaiteur de la race noire, ce style de vie où l’éthique se subordonne jusqu’à la moindre pensée et jusqu’au moindre réflexe. Je dirais que Victor Schoelcher a voulu être, a été toute sa vie, une conscience ».

Aimé Césaire ajoute deux autres mots : honnêteté et courage.

Et il poursuit : « Je lancerai en flèches vibrantes deux mots magnifiques, l’un tranchant comme l’acier, l’autre glorieux comme le soleil, le premier étant audace, le second générosité ».


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